Tête de Turque (Claire Koç)

C'est l'histoire d'une jeune fille qui voulait s'appeler Claire. Ses idoles étaient Anne Sinclair et Claire Chazal. La télévision lui avait ouvert les fenêtres de la culture française : le JT de 20 heures, Tout le monde en parle, le film du mardi soir…

Elle voulait s'appeler Claire mais son prénom était Cigdem (crocus, en turc), ce qui la renvoyait immanquablement à ses origines comme un élastique. À force de persévérance, elle a fini par s'appeler Claire et ses parents l'ont abandonnée. Oui, les parents peuvent abandonner leurs enfants du moins quand ils sont turcs et qu'ils font passer l'honneur avant l'amour.

L'amour c'est ce qui la guide, Claire. Et quel plus bel acte d'amour pour la France que son nouveau prénom. Un choix qui est aussi un acte de résistance. Car Claire Koç ne regrette rien et l'a écrit dans un livre : Claire, le prénom de la honte aux éditions Albin Michel. Évidemment, les chiens… je devrais dire les loups gris, c'est comme ça qu'on appelle les ultranationalistes turcs… ont aboyé en meute, en menaçant de mordre, en menaçant de tuer. La police doit désormais la protéger.

Et pas seulement de ses ex-compatriotes… Il y avait autrefois dans notre doux pays des amoureux de l'Orient qui ramenaient de leur voyage des exotiquités, qui aimaient se déguiser avec des pantalons bouffants, un gilet coloré et un fez. Ils imaginaient même des Turcs débarquant sur nos terres et se livrant, armés de leur sagesse légendaire, à une critique acérée de nos mœurs. On a vu, ces derniers temps, qu'elle pouvait être acérée au point de faire tomber des têtes…

Aujourd'hui, ces amis de l'Orient préfèrent en importer les habitants sous le couvert d'associations d'aide aux immigrés. Ils aiment toujours autant les Orientaux au point de vouloir les conserver dans leur jus, qu'ils ne changent surtout pas leurs traditions, leur langue, ni leur mépris des femmes. C'est du Lévi-Strauss à domicile, ça évite le déplacement. Ils ont essayé de le faire comprendre à Cigdem qui, en voulant changer de prénom, faisait, selon eux, le jeu de l'extrême droite. Ils lui reprochaient d'aimer la France ce pays raciste et inhospitalier, ce pays sur lequel elle aurait dû cracher.

Aujourd'hui, Claire les accuse "de non-assistance à personne voulant s'intégrer". Ils préfèrent, pense-t-elle, que les immigrés soient parqués dans des cités comme dans des serres afin qu'ils conservent leur authenticité. 

En Angleterre, dans le Times, un journaliste l'a comparée à une "Française libre". Voilà que les Rosbifs nous font la leçon… et pour une fois, ils ont raison. Car ce que révèle Claire des médias français est une véritable honte : "Au moment de la sortie de mon livre, j'avais des invitations à la télévision pour en parler, mais au moins trois ont été subitement déprogrammées. Ils ont lu mon livre et ont compris que ce n'était pas l'histoire d'une immigrée qui raconte à quel point c'est dur de s'intégrer dans un pays raciste. Le mien, c'est tout l'inverse, c'est l'histoire d'une libération grâce à la France. On m'a confié « en off » que j'avais été déprogrammée car j'étais classée comme « facho ». Dans la presse écrite, j'ai eu la chance d'avoir beaucoup d'articles. Mais je note que l'ensemble de la presse dite de gauche n'en a pas parlé."

Mais elle ne se sent plus seule dans son erreur au point qu'elle souhaite former une équipe de France avec celles qui partagent ce désir d'intégration. Ainsi qu'elle l'a confié au Point : "Je sens un ras-le-bol d'être assigné à là d'où l'on vient. Regardez Sonia Mabrouk, Rachel Kahn et les autres, elles rejettent aussi ce discours victimaire. Je m'imagine former avec elles l'équipe des Françaises. Un mot qui me plaît beaucoup mais qui hérisse la Bien Pensance. Cette équipe des Françaises, comme les Bleus, représente notre pays. J'avais adoré la réaction du footballeur Benjamin Mendy après la victoire à la Coupe du monde en 2018. Un tweet précisait, à l'aide de drapeaux, l'origine de chacun des joueurs. Il a répondu de la meilleure des manières possible en remplaçant tous les drapeaux par celui de la France."