AVC, morituri te salutant

Celui qui aura vraisemblablement ma peau, au final, c'est l'AVC. C'est un sournois… Il prévient à peine qu'on n'est déjà plus en mesure de faire quoi que ce soit. Je n'évoque ici que le cas des célibataires sans famille, sans voisins, sans amis, sans chien ni chat, une situation qui s'apparenterait à la solitude du dernier gardien de phare qu'on n'aurait pas averti de la fin du métier ou qui ferait la sourde oreille comme ce soldat japonais qui continua la guerre jusqu'en 1974.

Et je ne suis pas sûr que le couple soit une solution même pour ceux qui ont entrepris de dresser préventivement leur femme. Elle peut toujours profiter de l'occasion ou se révéler complètement dépassée par l'événement. Je n'envisage évidemment que le cas de celles qui ont fait des études après le bac dans une fac sérieuse… cela réduit considérablement les chances de survie.

Mon cœur a des à-coups. Pour les pompes, ce n'est déjà pas l'idéal mais, dans son cas, avec la responsabilité qui lui incombe, ça relèverait presque du pénal. Depuis longtemps il cassait souvent le rythme passant d'un petit beat de cinquante pulsations par minute à des deux cents voire plus. Mais maintenant, il bat la breloque comme un métronome ivre, il fibrille de l'oreillette comme un poisson à l'air, il se désaccorde comme un piano de Honky Tonk. Ça provoque des maelströms, puis des caillots (si c'était du lait, on aurait du beurre) puis un AVC.

Bien sûr Stéphane Bern ne fera jamais une émission sur moi en supposant même qu'il me survive. Mais j'imagine la joie de celui qui découvrira ma momie dans quelques années… ce délai est souhaitable afin que les odeurs de décomposition se dissipent gentiment et que mon salon redevienne agréable. Sans aucune prétention, je pense que je ferai un Toutânkhamon tout à fait présentable et bien plus abordable que le vrai. De même qu'il faut manger local, il faut visiter local. Je suis sûr qu'il y a déjà des agences à l'affût de ce genre de distractions. Elles doivent avoir des contacts dans les mairies pour obtenir les adresses des personnes vulnérables en prétextant la solidarité : "Laissez ! On va s'en occuper"...