Le dada du panda

Ce salopard de panda cherche à me voler la vedette ! Qu'est-ce qu'on peut bien lui trouver ?! David Plotz, un journaliste américain, a très bien saisi le bonhomme. Voici ce qu'il disait à l'occasion de la mort de Hsing Hsing, le panda géant prêté naguère par la RPC au zoo de Washington : "Les pandas n'ont pas un mauvais fond, c'est encore pire : ils n'ont pas de fond du tout. Ce sont les animaux les plus emmerdants que vous puissiez imaginer. Ils sont profondément antisociaux et détestent les interactions, que ce soit avec des humains ou leurs congénères". Pour lui, ce n'étaient que de grosses peluches noires et blanches qui mâchouillent du bambou ou dorment. Pour résumer : un panda, ça mange, ça dort et, un ou deux jours par an, ça tente – souvent en vain – de se reproduire… 

Franchement, qu'est-ce qu'il fait de moins que moi ?! Vous me connaissez à peine mais je peux vous assurer que je suis le mec le plus insignifiant qui soit, le moins entreprenant, le plus renfermé, le moins sociable… bref, le type que personne n'a envie de fréquenter.

Et en plus il triche. Avec sa gueule de Rapetou, il joue au dur alors qu'il est tout mou. Comme l'explique ce spécialiste à qui on demande si un panda peut être violent : "Non, il vit tout seul, contre qui pourrait-il exercer cette violence ? Éventuellement un soigneur, mais c'est excessivement rare et ça vient le plus souvent d'une imprudence humaine."

Moi, c'est pareil. Par exemple, l'infirmière qui vient refaire mes pansements après ma dernière opération, ne manifeste aucune crainte. Elle ne sonne même pas et pénètre sans se soucier de savoir si je suis présentable. Et pourtant, la première fois qu'elle est venue, je n'avais ni pantalon ni slip pensant lui faciliter la vie (ma cicatrice se situe au-dessus de la fémorale près de l'aine et du signe irréfragable de ma masculinité). J'ai compris à son arrêt sur image qu'elle prenait mon initiative pour un empiètement sur son libre arbitre. Elle n'a évidemment rien contre la nudité mais c'est elle qui doit pouvoir autoriser le strip-tease quand elle l'estime approprié. Je me suis donc habillé au lieu de m'entêter puis j'ai attendu son feu vert. J'ai même essayé de détendre l'atmosphère en lui demandant si elle avait déjà vu une aussi belle toison que la mienne (je suis brun… du moins à l'origine mais maintenant je vire sur le panda)... Et il n'y a toujours rien de sexuel entre nous, à ce jour.

À quatre-vingt-quinze ans, quand il sera trop tard, j'aurai une belle histoire d'amour… je peine un peu à l'imaginer tant je suis encore la proie des préjugés esthétiques de ma génération. Le panda, c'est là son moindre défaut, ne vit que de bambou et d'eau fraîche.