Un fou peut en cacher un autre

On m'a offert Histoire de la folie de Claude Quétel… dans un but thérapeutique ("Quand je me regarde, je me désole. Quand je me compare, je me console." dixit Talleyrand). Dans la galerie des fous contemporains, j'aime bien celui qui se balade avec un entonnoir sur la tête. Au début, j'ai cru qu'il y avait un lien avec l'alcool : entonnoir-liquide-alcool-delirium tremens (Ah ! Montand et ses hallucinations dans Le Cercle rouge de Melville). Mais finalement ce n'est pas si clair. Dans des tableaux de Jérôme Bosch, certains personnages en portent, ce qui symboliserait plutôt la tromperie. Il y a aussi à l'époque l'expression "boire comme un entonnoir" (de profundis)… Puisque toutes les associations sont permises (à condition d'en déposer les statuts), j'ai envie d'y voir plutôt le bicorne du pauvre, le chapeau de Napoléon pour retardataire des vide-greniers. Car Napoléon a eu beaucoup de succès chez les fous.

Pour certains spécialistes, c’est sa stature d’homme invulnérable, d'aventurier plus puissant que ses prédécesseurs et self-made-man (contrairement à ses prédécesseurs royaux), qui ont rendu l’identification à Napoléon très en vogue dans les asiles à son époque. Celui qui se prend pour Napoléon est en quête d’invulnérabilité et de contrôle social. Le délire sur la politique en général et l’identification à des personnages politiques marquants, est un grand classique : Louis XVI, Jésus ou Mahomet. Pendant la guerre de 1870, Jeanne d’Arc faisait fureur, comme libératrice de la France.

Aujourd'hui, Napoléon a moins la cote. En Italie, certains patients ont pu se prendre pour Berlusconi ou pour son fils caché. En France, Nicolas Sarkozy a trouvé aussi preneur. En revanche, François Hollande n'a toujours pas la faveur des aliénés… du moins ceux qui sont internés.

Je suis en mesure d'apporter ma contribution à l'histoire de la psychiatrie. J'ai trouvé un nostalgique de la grande époque en lisant un article qui parlait du Gilet jaune Christophe Chalençon. Ce dernier a été placé en garde à vue après un appel sur les réseaux sociaux à « lever des armées citoyennes » et à « assiéger Paris ». Voici d'autres extraits : « Certains généraux, que nous avons appelés, sont à nos côtés. Ils sont en train de nous préparer un plan pour verrouiller Paris ». Et aussi : « Nous allons lever des armées citoyennes : une de l'Alsace, de la Bretagne, des Pyrénées et de Provence et des Alpes. (…) Nous allons assiéger Paris lundi, jour du déconfinement, avec d'anciens généraux qui préparent le plan pour verrouiller Paris. »

C'est beau comme le décret de 1792 déclarant la Patrie en danger.

Et j'ai pensé à La Marseillaise, ce chant des volontaires marseillais montés à Paris et qui a séduit la France. Marseille… mais n'y a-t-il pas un autre fou célèbre, là-bas ? Du moins un beau modèle pour fou... Il va falloir que j'enquête...