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Y'en a vraiment qui débloguent...

Journal de bord d'un navigateur du web. Commentaires sur l'actualité, la société, la politique, les femmes, le sexe, l'âge, la vie...

Journal d'un pangolin en vacances 7

Je m'excuse mais le privilège blanc m'interpelle encore. Je me mets à la place de ces pauvres Blancs. Que peuvent-ils bien faire ? Supposons qu'ils veuillent échanger leur place comme Virginie Despentes les invite à le faire. Aimer le blues ne suffit pas pour partager la souffrance des descendants d'esclave.

Antoine Griezmann, en était tellement conscient qu'il n'a pas hésité à franchir le pas (il doit lire Despentes). Pour rendre hommage aux Harlem Globetrotters le footballeur a non seulement enfilé la tenue officielle des basketteurs mais il s'est aussi peint la peau en marron et s'est coiffé d’une perruque afro. Mal lui en a pris. Sa démarche a provoqué un tollé sur la toile. Les réseautistes lui ont reproché d’avoir commis le crime de «blackface». Le "blackface", fait l'objet d'une surveillance particulière  des racisés, ceux qui n'ont pas peur de s'enfermer dans le noir. 

Ce pauvre Griezmann ne devrait pas lire que Despentes. S'il avait élargi son horizon, il aurait trouvé le mode d'emploi du voyageur racio-corporel dans Libération. À la question : "comment faire si on veut quand même se déguiser en une personne de couleur quand on n’est pas de la même couleur ? le journal répond avec l'exemple suivant : si vous voulez vous déguiser en Barack Obama et que vous êtes blanc, vous pouvez commencer par vous acheter un costume, y afficher un pin’s avec le drapeau des États-Unis et prendre des intonations présidentielles. Si vous êtes mauvais comédien et que vous craignez d’être pris pour Donald Trump, vous n’avez pas besoin de vous peindre la peau en noir. Vous pouvez très bien imprimer un masque de Barack Obama. Ça devrait être suffisamment explicite"...

Qu'il est loin le temps où ceux qui essayaient de dénoncer le racisme en se glissant dans la peau d'un Noir se faisaient lyncher non pas par des Noirs mais, comme c'était habituellement le cas, par des Blancs. C'est ce qui faillit arriver à John Howard Griffin, écrivain et journaliste américain blanc, après la publication de son livre Dans la peau d'un noir. Ce livre, écrit entre le 28 octobre 1959 et le 17 août 1960, relate son expérience de six semaines grimé en afro-américain, dans le but de vivre l'existence d'un Noir dans le sud des États-Unis.

Griffin fit appel à plusieurs médecins pour sa transformation. L'un d'eux lui prescrivit un médicament prévu pour le vitiligo (l'Oxsoralen). Il se soumit à des séances de rayons puis compléta le traitement en se colorant la peau.

Son premier constat fut la séparation tant physique que mentale qui existait entre Noirs et Blancs. Ils ne fréquentaient pas les mêmes lieux, avaient des places déterminées dans les bud. Un Noir n'aurait jamais parlé à un Blanc, connaissant les risques qu'il courait et l'opinion qu'il avait de lui. Un Blanc n'aurait jamais pu se faire accepter par des Noirs sachant quel traitement les Blancs leur infligaient. Les deux mondes ne se côtoyaient jamais frontalement renforçant les préjugés mutuels.

Griffin remarqua aussi à quel point les discriminations envers les Noirs étaient insidieuses. Des commerçants blancs pouvaient très bien commercer avec les Noirs, ils n'en étaient pas moins racistes ou méprisants. Un Blanc pouvait très bien sourire à un Noir ou prendre son parti, il n'en était pas moins paternaliste. Les Noirs étaient traités inégalement avec des apparences d'égalité. Cela renforçait la thèse de Griffin selon laquelle il faut se mettre dans la peau d'un Noir pour le vivre et le voir.

Griffin ne tombe cependant pas dans le manichéisme. Il a pu réaliser son expérience grâce au directeur de Sepia (magazine pour les afro-américains), celui-ci étant blanc. La question est donc celle de l'égalité, qui n'est pas une question raciale mais une question politique. Des hommes de bonne volonté tant blancs que noirs sont dépeints dans le livre. De ce constat naît l'espoir d'un changement.

John H. Griffin fut victime de menaces de mort et son portrait placardé dans sa ville. Il rejoignit le mouvement des droits civiques (Martin Luther King) et devint un militant actif des droits de l'homme.

Du coup, je me pose cette question : Virginie Despentes a-t-elle risqué sa peau en publiant sa tribune dans Le Monde ?

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