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Y'en a vraiment qui débloguent...

Journal de bord d'un navigateur du web. Commentaires sur l'actualité, la société, la politique, les femmes, le sexe, l'âge, la vie...

Extension du domaine du porno

Il ne peut pas y avoir d'amour

sans érection

(Sérotonine)

 

J'en suis venu à me demander si Michel Houellebecq n'était pas d'abord et avant tout, un acteur porno (comme Rocco Siffredi, cet autre membre proéminent de la profession) mais que, compte tenu des problèmes que connaît cette activité (V. les poursuites contre Jacquie et Michel et contre Pascal OP, notamment), il écrivait des livres pour gagner sa vie. "En première analyse", comme dirait Philippe Martinez, qui débuta sa carrière en Roumanie chez Dacia quand le "génie des Carpates" y déployait ses ailes et qui suivit des cours du soir de marxisme éclairé, ça me paraissait tout aussi peu crédible qu'un rhinocéros qui se dirait expert en cunnilingus.

Pourtant j'ai dû me rendre à l'évidence en lisant dans Le Point (Michel Houellebecq : « J'étais prêt à assumer un rôle d'acteur ») le récit très circonstancié qu'il fait de ses démêlés avec un certain Ruitenbeek, un  réalisateur hollandais qui, à ses yeux, n'est qu'une crapule, et contre qui il a estimé devoir porter plainte.

Résumé de l'affaire : Décembre 2022. Michel et son épouse, Qianyum Lysis Li, se rendent à Amsterdam pour participer à ce qui leur semble être une performance porno-artistique, un film dirigé par le réalisateur hollandais Stefan Ruitenbeek, membre du collectif KIRAC (Keeping It Real Art Critics). L'écrivain doit porter un masque pour ne pas être reconnu. Le tournage s'étale sur plusieurs jours mais finit par partir en couille. Puis fin janvier, une bande-annonce circule sur les réseaux sociaux : une femme enceinte y vomit dans une voiture avant d'accoucher, Michel apparaît, nu, sans masque, dans un lit d'hôtel, cigarette au bec, aux côtés d'une jeune femme en nuisette. Notre vedette, quand il découvre ce trailer, fait part de son indignation au réalisateur : "ce film porte atteinte de manière irrémédiable à ma vie privée, mon honneur, mais surtout, ce qui est plus grave encore, à ma femme, dévastée par les mensonges". Le couple Houellebecq demande l'interdiction du film et dépose une assignation en référé devant le tribunal de Paris. Celui-ci se déclare partiellement incompétent et déboute les plaignants. De son côté, Ruitenbeek assure qu'il n'a pas renoncé à la diffusion du film tout en clamant son admiration pour Houellebecq qu'il a pourtant piégé conformément à ses habitudes artistiques. La sortie du film, qui devait initialement se faire le 11 mars, est toutefois repoussée à une date inconnue.

Ce que j'ai retenu de l'affaire, à travers les détails que Michel lui-même a révélés et parce que j'étais surtout intéressé par son côté porno, c'est qu'il préfère les préliminaires égotistes, ceux qui se concentrent sur ce qui l'apparente encore au genre masculin c'est-à-dire, car il faut bien à un moment ou à un autre appeler les choses par leur nom, la fellation. Hors la fellation pas d'orgasme, le sien bien entendu car je ne pense pas que son foutre, même irradié par l'éclair de son génie, soit un élixir de jouissance pour celles qui ont le privilège d'y goûter. Sa préférence lui a sûrement ouvert les portes du porno car cette industrie, qui a su simplifier ses process à l'extrême, n'a, à l'égard des femmes, que le phallus pour unique objet de leur assouvissement. De ce fait, quand il se fait sucer la nouille devant une caméra, notre prix Goncourt se sent en harmonie avec la culture, l'art et les incontournables de l'amour. Quand s'offre l'occasion de tremper sa plume dans ces bouches que le réalisateur a mises à sa disposition, il a juste l'impression de continuer son œuvre par d'autres moyens.

Bien sûr, pour l'esthète qu'il demeure, un certain décorum peut apporter un supplément d'âme à sa prestation. Peut-être même son excitation s'en trouve-t-elle magnifiée. Ainsi, toujours selon Michel (attention à l'amalgame, toujours possible mais non souhaité, avec ces autres professionnels du porno, Jacquie & Michel) : "Initialement, M. Ruitenbeek m’a invité à participer à une cérémonie d’inauguration organisée dans une école d’art à Amsterdam, où je devais surtout couper un ruban. Il y avait d’autres éléments, inspirés de l’univers de Lovecraft, qui m’ont intéressé.

M. Ruitenbeek est venu à Paris le 1er novembre, après m’avoir proposé qu’on se voie pour discuter de ce projet. Dans un mail, il a ajouté qu’il serait accompagné d’une amie, Jini van Rooijen, qui venait à Paris pour participer à des gang bangs, filmés par M. Ruitenbeek, destinés à alimenter son compte OnlyFans. J’étais déprimé au moment de leur arrivée, et mon épouse s’est rendue seule à ce dîner, au cours duquel elle a été filmée à son insu. L’idée a alors été suggérée d’une scène sexuelle en trio – Jini, mon épouse et moi –, destinée elle aussi à alimenter le compte OnlyFans de Jini. Mon épouse a accepté, en se disant que ça me changerait agréablement les idées. J’ai moi-même accepté, sous réserve que mon anonymat soit préservé, ce qui paraissait possible pour deux raisons : 

- Les films du compte OnlyFans de Jini sont uniquement accessibles à ses abonnés payants ; c’est, d’après ce qu’on m’a expliqué, le principe même de fonctionnement d’OnlyFans, qui constitue une source de revenus pour Jini. 

- Mon épouse et moi devions porter des masques, afin de rendre notre identification impossible. 

La scène sexuelle a eu lieu, et a été filmée par M. Ruitenbeek. Après réflexion, je me suis dit que ces masques constituaient une protection insuffisante de mon anonymat, et je n’ai pas fourni mon passeport, condition nécessaire imposée par OnlyFans pour que le film puisse être diffusé par eux."

Il faut savoir que Michel expose tellement son corps qu'il se doute bien qu'il sera reconnu par ceux qui l'apprécient aussi ou surtout pour cette autre facette de son talent. Peut-être même faut-il y voir un clin d'œil à ce public interlope et un dévoilement partiel qui ne peut que booster la vente de ses livres. Pour des lecteurs innocents, des littéraires angéliques qui auraient été exposés par extraordinaire à ce spectacle, l'expérience peut être traumatisante. Dans le cas présent, les craintes de Michel se sont apparemment envolées à la perspective du cadeau que lui faisait le réalisateur, qui pourrait passer, aux yeux d'un voyageur connaissant un peu Amsterdam, pour un proxénète du Quartier Rouge.

"M. Ruitenbeek m’a informé qu’il souhaitait reporter la cérémonie d’inauguration au printemps. Il m’a, par ailleurs, envoyé des photos de différentes femmes qui souhaitaient, selon lui, avoir des relations sexuelles avec moi. 

Mon épouse a écrit l’ébauche d’un scénario, inspiré à la fois d’un de mes livres, La Possibilité d’une île, et de souvenirs personnels. Ce scénario m’a paru intéressant, quoique nécessitant beaucoup de travail

L’idée a peu à peu germé que nous nous rendions à Amsterdam, mon épouse et moi, afin de rencontrer les femmes pressenties par M. Ruitenbeek pour avoir des relations sexuelles avec mon épouse ou avec moi. Ces relations, filmées par lui, auraient pu constituer un casting pour le film à venir, du moins pour ses scènes pornographiques – mais en aucun cas un matériel destiné à la diffusion. 

Il est utile de préciser que j’ai moi-même réalisé un film pornographique, généralement considéré comme un « porno soft » (La Rivière, diffusé en particulier sur Canal+), et que le casting s’est déroulé exactement dans ces conditions. Celle qui était mon épouse à l’époque a eu des relations sexuelles avec plusieurs femmes pressenties comme actrices, relations que j’ai filmées.

 Je n’ai aucune hostilité de principe à la pornographie, que je considère comme un matériau artistique valable ; mais il s’agit d’un matériau difficile à traiter. Mon propre film ne me donne que partiellement satisfaction : esthétiquement très réussi à mon avis, il manque de tension dramatique. 

Nous sommes arrivés à Amsterdam, mon épouse et moi, dans l’après-midi du 21 décembre, et rien ne s’est passé comme prévu. D’abord, nous avons été filmés dès notre sortie du train sans qu’à aucun moment nous en ayons donné l’autorisation. Cela m’est hélas déjà arrivé d’être photographié ou filmé dans ces conditions, par différents journalistes de bas niveau, mais ce n’est en aucun cas ce que j’attendais d’un réalisateur de films."

Michel a une si haute idée du porno qu'il s'attendait sûrement à être traité avec autant de déférence que Martin Scorsese à Cannes. Je le compare à un réalisateur plutôt qu'à un acteur, Leonardo DiCaprio par exemple, car Michel me semble plus à l'aise derrière une caméra que devant. La position du voyeur paraît mieux lui convenir, celle de l'adolescent perturbé qu'il fut, dépressif, ayant une faible estime de lui, grand consommateur de porno dès qu'il sut maîtriser Internet ("Internénette" disait-il).

Mention spéciale à ses épouses qui, bonnes filles, jouent le rôle de maquerelles. Elles sélectionnent les filles, les testent et contrôlent l'entrée dans la chambre où repose le Maître. C'est parfois assez violent comme il se doit entre professionnelles. La dernière est chinoise apparemment et je me demande si je ne l'ai pas connue quand j'habitais le XIIIème… Le fait de laisser ce rôle à ses épouses et le fait d'encourager surtout l'amour entre filles pourraient apparaître comme une sorte de crypto-féminisme… Mais je me demande si Michel avait vraiment le contrôle de la situation. Car voilà la suite de sa petite virée telle qu'il la décrit : "Le lendemain matin, M. Ruitenbeek est revenu accompagné d’Isa, une des femmes dont il m’avait envoyé des photos. Les choses se sont d’abord à peu près bien passées, j’ai échangé des baisers avec Isa (ce sont les scènes qui figurent dans le trailer), puis tout s’est dégradé. M. Ruitenbeek a émis différentes idées de mise en scène qui me sont apparues stupides. Isa a demandé à mon épouse de sortir de la chambre, ce qui rendait évidemment impossible toute scène d’amour lesbien. J’ai fini par me dissimuler sous un drap pour éviter d’être filmé. Isa, de son côté, a souhaité s’en tenir là. Nous n’avons eu aucun autre contact, ni physique ni même verbal. 

Après ce premier échec, M. Ruitenbeek a fait une tentative de réconciliation, en me proposant une autre femme dont il m’avait envoyé des photos. Mon épouse l’a éconduite, elle n’est pas entrée dans notre chambre, et je ne l’ai même pas vue. Lorsque M. Ruitenbeek affirme, dans son interview avec le magazine Vice, « en tout, quatre femmes ont couché avec Houellebecq », il s’agit d’un mensonge pur et simple."

S'il y a au moins quelque chose qu'on doit lui reconnaître, c'est son honnêteté. Il aurait pu très facilement se laisser aller à la vantardise sans crainte d'être démenti. Certes, il n'a pas besoin de ce genre de publicité mensongère pour choper.

Dans un autre article du Point (Michel Houellebecq : « Je ne vois rien qui puisse interrompre notre décadence ») il fait aussi une sorte de mea culpa à sa sauce, une sauce assez relevée car le bonhomme semble tout à fait à l'aise dans les habits de la célébrité et regrette de l'avoir salie en pataugeant sans précaution dans les marécages du porno. Voici quelques extraits de l'interview :

"Vous dites « je suis entré en enfer en janvier, je n'en suis pas sorti ». N'êtes-vous pas aussi l'instrument de votre propre malheur ?

Oui. Aux stars, on demande des choses qu'on ne demande pas à des gens normaux. Il y a des choses que je ne peux plus me permettre. Et, plus encore, il y a des choses que je ne peux plus permettre qu'on me fasse. Contrôler mon image, c'est devenu une obligation professionnelle.

Vous définissez-vous comme un macho ?

Oui, je suis un macho romantique, tendance grunge.

Est-ce que ce qui vous est arrivé pendant ces quelques mois fait de vous un personnage de Michel Houellebecq ?

Non, je ne crois pas. J'ai peu de personnages au statut social exceptionnel. Je vis des événements anormaux liés à mon niveau de célébrité anormal. Le fait que mes organes sexuels valent potentiellement de l'argent accentue mes réserves à l'égard du libéralisme.

Vous racontez que vos amis vous disent de ne pas accorder d'importance à ces choses, mais quelque chose s'écroule en vous, un sentiment de honte vous submerge…

Avec cette histoire de film, au début, je n'arrivais plus à aller nulle part. Je prenais l'escalier pour ne pas croiser des gens dans l'ascenseur, j'ai arrêté de faire mes courses chez Monoprix… Mon vrai contact avec le monde réel, c'est d'aller au Monoprix, j'y tiens beaucoup. Là, ça va, je retourne à Monoprix, mais il suffirait que le film sorte et ça redeviendrait infernal. Je crois que c'est ma vanité qui m'a entraîné là-dedans. Quand une fille me dit qu'elle veut coucher avec moi parce que je suis le plus grand auteur français, je trouve ça normal… Peut-être que je ne devrais pas.

Vous décrivez le porno amateur comme un don, vous parlez de « générosité ». Pourquoi ?

Par moments, je trouve ça beau, oui. On ressent de l'amour. Ce n'est pas la majorité des cas, mais il y en a. J'ai vu mes premiers pornos professionnels très tard et ça m'a dégoûté, j'ai trouvé ça nul. Pour le porno amateur, c'est autre chose, je trouve ça très bien d'en faire : ça cimente le couple et procure de bons souvenirs. Par contre, le diffuser, c'est une démarche que je ne ferais pas.

Pourtant, c'est ce que vous avez fait.

Je ne l'ai pas fait exprès. J'étais censé n'être reconnaissable dans aucun plan pornographique.

Le sexe constitue-t-il vos seuls moments de bonheur ?

Non, mais je ne suis plus tout jeune, il y a beaucoup de petites souffrances physiques qui s'accumulent, et le seul moment où mon corps m'apporte vraiment du bonheur, c'est le sexe. Lorsqu'il y a de l'amour, c'est encore mieux, bien qu'une certaine sympathie puisse suffire.

C'est un cliché très féminin que de vouloir éprouver des sentiments dans le sexe…

C'est peut-être un cliché dans le cadre du désir, les femmes peuvent désirer de manière tout aussi tyrannique et arbitraire que les hommes, mais sûrement pas dans celui du plaisir. C'est étonnant à quel point on peut donner du plaisir à une femme qui vous aime, alors qu'on ne fait rien de très remarquable.

 

Bon, vous allez croire que j'essaie de vous dissuader de lire le livre qu'il a tiré de cette "mésaventure" (Quelques mois dans ma vie). Tel n'est pas mon but et ce serait même malhonnête de ma part puisque je ne l'ai pas lu… L'aveu vous révulse peut-être mais comme l'a fort justement démontré Pierre Bayard, il est tout à fait envisageable de parler des livres que l'on n'a pas lus (tout autant que des livres qu'on n'a pas écrits). N'entend-on pas d'ailleurs, à longueur de chaînes, des gens parler complaisamment de ce qu'ils ignorent, notamment des politiques qui prétendent guider nos choix ?

Si vous voulez vraiment du sexe, peut-être devriez-vous plutôt songer à Bruno Le Maire.  Afin d'aiguiser votre appétit, permettez-moi de vous offrir ce passage de son dernier roman (Fugue américaine) : "Elle me tournait le dos. Elle se jetait sur le lit. Elle me montrait le renflement humide de son anus : “Tu viens, Oskar ? Je suis dilatée comme jamais”

Avouez que ça vous cloue le Houellebecq, non ?

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