Journal d'un pangolin en vacances 36

Je ne cherche pas à me réfugier derrière mes parents, j'aurais trop peur de montrer que je manque de courage. Pas plus qu'à m'attribuer indûment leurs qualités ou pire leur absence de qualités pour mieux faire admirer, par contraste, les miennes. Mais on ne m'a pas appelé au gouvernement et je ne connais pas les astuces qui permettent de bien démarrer sa rentrée.

Je crois me souvenir, puisque depuis qu'il a surgi dans l'espace politique tel un météore endimanché il n'a eu de cesse de le rappeler, que Gérald Darmanin est le fils d'une femme de ménage et un petit-fils d'immigré.

Sans doute par un prudent mimétisme, ses nouveaux collègues du troisième gouvernement Macron qui se retrouvent placés sur l'orbite de la réussite et se rapprochent plus vite que prévu du périgée, émettent le même signal. Ainsi la terreur des prétoires, Éric Dupond-Moretti, qui, en avocat exemplaire défend plus volontiers l'indéfendable, y est allé de sa petite larme lors de sa prise de fonction au ministère de la justice. Il n'a pu s'empêcher d'évoquer avec émotion sa mère, venue d'Italie pour fuir la misère. Sa nouvelle collègue, ministre déléguée à l'Égalité entre les femmes et les hommes, Élisabeth Moreno, a renchéri : "Rien, absolument rien, ne me prédestinait à être ici aujourd'hui devant vous. La République, et la main qu'elle peut tendre à chacun et à chacune, n'est pas une chimère." Puis elle a évoqué son père ouvrier et sa mère femme de ménage...

Même le primus inter pares, Jean Castex, a cru bon de planter son arbre généalogique dans le jardin de Matignon. Pour ceux qui ne l'auraient pas vu, il a indiqué, vendredi soir sur TF1, que : "Quand on est comme moi le fils d'une institutrice du département du Gers, issu de l'école républicaine, on ne vous propose pas souvent de telles fonctions." Puis dans le JDD deux jours plus tard : "Je suis fils et petit-fils d'instituteurs, je mesure ce que ça aurait représenté pour eux de me voir ici."

Aurait-il opté pour l'absence de qualités parentales ? C'est ce que Sophie Coignard, dans Le Point, suggère et trouve un peu maladroit : "À l'heure où le manque de considération pour les professeurs des écoles, des collèges et des lycées constitue un mal endémique en France, souligner une telle ascendance comme un handicap confine à la maladresse politique."

Moi qui suis bienveillant puisqu'issu d'une famille de parias même à l'aune de la hiérarchie animale, je crois déceler une certaine inquiétude derrière ces propos et comme une prière :  "Attention ministre méritant ! Prière de ne pas interrompre prématurément l'exercice."