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Y'en a vraiment qui débloguent...

Journal de bord d'un navigateur du web. Commentaires sur l'actualité, la société, la politique, les femmes, le sexe, l'âge, la vie...

Le Président sans qualités

Pauvre Président ! Le Point ne lui fait pas de cadeaux : “Il s'est rendu en Israël après les principaux chefs d'État occidentaux, y a proposé une improbable et irréaliste coalition internationale contre le Hamas, a réussi à fâcher les pays arabes puis les Israéliens et s'est interrogé pendant trois jours sur sa participation ou non à la marche contre l'antisémitisme… 

Moi, je trouve que c'est plutôt rassurant… Encore quelques parasites pour mieux brouiller sa communication et on n'entendra bientôt plus la Voix de la France en titre. Dans un monde incertain, quoi de mieux qu'un profil furtif qui échappe aux radars de l'opinion, dont les déclarations peuvent prêter à toutes les interprétations, à tous les démentis. Avant on parlait de géométrie variable. Je ne suis pas sûr qu'Emmanuel Macron ait le fameux esprit de géométrie cher à Pascal. Son entourage lui prête plutôt une sorte d'esprit de finesse : “Sa pensée est complexe parce que la situation est complexe.” Ça me rappelle cet argument derrière lequel se retranchent les parents qui, par paresse ou par insuffisance, seraient bien en peine de s'expliquer à eux-mêmes ce qu'ils se croient un devoir d'expliquer à leurs enfants : “Comment dire… en fait, c'est plus compliqué que ça en a l'air… Finis ta soupe !” Son entourage toujours : “Dans une époque qui radicalise tout, il est difficile d'avoir le courage de la nuance.” Avec lui malheureusement, on a souvent cinquante nuances de gris pas très clair là où il n'en faudrait qu'une ou deux, trois à la rigueur pour éviter tout manichéisme sommaire. Il doit aussi faire un effort avant d'atteindre l'esprit de justesse qui couronnait la trilogie de Pascal. Par exemple, devant le Grand Orient, le 8 novembre, Emmanuel Macron cible ceux qui “confondent le rejet des musulmans et le soutien des Juifs”, se lançant dans une ode à la laïcité alors qu'en 2018, lors d'un discours aux Bernardins, il vantait le facteur de cohésion de la religion (son “utilité sociale” que Marx qualifiait plutôt d’“opium” ; synthèse : le haschich thérapeutique).

C'est fou d'ailleurs comme la laïcité est plastique. J'imagine que son usage à l'école doit être cantonné aux travaux pratiques, en binôme avec la pâte à modeler !

Or, c'est extrêmement simple... il y a sept formes de laïcité comme autant de jours de la semaine. C'est ce qu'a montré Jean Baubérot : la laïcité antireligieuse (“Mort aux curés !”), la laïcité gallicane (à l'origine, soustraire le catholicisme français à l'autorité du pape, en faire une religion bien de chez nous), la laïcité séparatiste stricte (celle de la loi de 1905 : la République garantit le libre exercice des cultes mais ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte), la laïcité séparatiste avec reconnaissance des autorités religieuses (les édifices religieux ne seront gérés que par les fidèles qui reconnaissent l'autorité de leur hiérarchie religieuse, par exemple celle du pape pour les catholiques), la laïcité ouverte (une laïcité accommodante qui “dialogue” avec les autres religions), la laïcité identitaire (les racines chrétiennes de la France limitent la liberté religieuse au catholicisme et apparenté), la laïcité concordataire (celle qui s'accommode du régime spécial dont bénéficie l'Alsace et la Moselle qui fait que nos impôts servent à rémunérer les ecclésiastiques qui prêchent dans ces départements). On le voit, rien de bien compliqué…

Rebelote, avec la manifestation contre l'antisémitisme. Pourquoi a-t-il refusé d'y aller ? Selon certains, parce qu'il n'était pas à l'origine de cette initiative… Selon lui : “Mon rôle est d'agir. Sinon, je pourrais manifester toutes les semaines…” On risquait de lui demander, la fois d'après, de manifester contre l'islamophobie, puis pour le climat… C'est raisonner comme si toutes les causes se valaient… Quelques jours plus tôt, il avait avancé un autre argument : il faut certes se préoccuper des menaces et actes antisémites et lutter contre ce fléau, mais les Français ont la tête dans le guidon : l'inflation, l'accès à la santé, etc. Certes, mais le chef de l'État ne doit-il pas prendre position sur des sujets à la hauteur de sa fonction ?

Comme en alpinisme, il y a deux façons de voir les choses. Soit on se fixe un but : “Je vais atteindre ce sommet”. Soit on essaie de s'imaginer qu'on est déjà arrivé et ce qu'on va y faire. Pour certains, cela paraît évident : redescendre. Mais si l'on y réfléchit : à quoi bon tous ces efforts si c'est pour redescendre après ? Voilà un jeune ambitieux qui se dit : “Chiche, je vais y arriver !” et qui se retrouve plus vite qu'il ne le pensait au sommet de l'État. Il s'aperçoit alors qu'on attend certaines choses de lui ou plus perturbant encore, qu'on attend de lui qu'il s'attende à ce qu'on attende de lui certaines choses. En raccourci : Un Président devrait faire ça. Bien sûr, d'autres l'ont précédé à ce poste et pourraient lui servir de référence… Mais la réalité est tellement changeante et les attentes tellement versatiles. Comme le dit Emil Cioran : “Après tout, je n’ai pas perdu mon temps, moi aussi je me suis trémoussé, comme tout un chacun, dans cet univers aberrant.” Voilà un bel éloge de la modestie alors que l'enflure est devenu le mode commun des discussions ordinaires au sein d'organisations ordinaires faisant des choses ordinaires. L'État pourrait paraître à part mais n'est, pour qui le regarde posément, qu'une organisation comme les autres. 

Une nouvelle approche du management est possible. Certains conseillent de se détacher de l'emphase, de l'exemple du manageur omnipotent qui a réponse à tout et trouve des solutions instantanément. Place au manageur “sans qualités” (référence à L'homme sans qualités de Robert Musil) qui doit bidouiller dans un monde incertain. Le bricolage et la débrouille deviennent alors les deux clés du succès. L’éloge de la “fadeur”, du “sage sans idée”, du “management oblique" est perçue comme plus efficace que la grandiloquence et l'illusion de puissance auxquels les traités de gestion nous ont habitué. Cette célébration de la bidouille est finalement une façon de prendre du recul, d'accepter notre finitude et de cesser de viser la perfection.

Oui, arrêtons de nous référer à un passé mythique que tout le monde ne nous envie pas et qui nous empêche d'être modestes et même pitoyables, sans honte. Place au mensonge, à l'hypocrisie, au retournement de veste. Qui nous en voudra ? Les autres le font sans cesse. C'est tellement bon de ne plus avoir à se hausser du col… À cet égard, remercions Ridley Scott d'avoir, dans son dernier film, ramené Napoléon à ce qu'il était : un Roméo impuissant amoureux d'une vieille catin (peut-être lui rappelait-elle sa mère : “Pourvu qu'il soit dur et qu'on en finisse avant minuit !”). Mais alors, comment a-t-il gagné ses guerres, me dira-t-on ?! Parce que ses adversaires étaient encore plus lamentables que lui comme aujourd'hui la Russie face à l'Ukraine, pardi !

Les cadres qui se reconvertissent l’ont compris : cessons de nous prendre pour des intellectuels qui raisonnent sur ce que devrait être la vie et ne sont même pas capables de déboucher un évier… Ainsi font, font, font les petites marionnettes…

 

Écrit en novembre de l'an 2023 

depuis le fin fond d'un EHPAD 

complètement à l'Ouest

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