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Y'en a vraiment qui débloguent...

Journal de bord d'un navigateur du web. Commentaires sur l'actualité, la société, la politique, les femmes, le sexe, l'âge, la vie...

On ne choisit pas ses amis

“On ne choisit pas ses amis”, voilà une introduction comme je les aime. Un brin paradoxale pour qui ne se pose pas de questions superflues sur l'existence ou qui n'a tout simplement pas de problèmes d'existence… je n'envisage pas le cas d'une absence d'existence car je ne maîtrise pas encore tous les paramètres qui me permettraient d'entrer en contact avec ce type de non-personne… En effet, je ne suis pas encore parvenu à cette période de ma vie où je ferai tourner des tables comme Victor Hugo à Jersey. Il me reste juste à écrire quelques poèmes, Hernani, Les Misérables, et quelques autres ouvrages, un pamphlet dont j'ai déjà le titre, Macron le Petit, dont voici un extrait en avant-première : “C’est un personnage vulgaire, puéril, théâtral et vain. Il aime la gloriole, le pompon, l’aigrette, la broderie, les paillettes, les grands mots, les grands titres, ce qui brille, toutes les verroteries du pouvoir”. On le voit, rien de bien redoutable mais qui prend un peu de temps… 

Mais je la propose avec sa garantie d'origine : elle s'appuie en effet sur une batterie d'analyses incontestables, le mot n'est pas trop fort, que j'ai pêchées dans Madame Figaro. Je passe sur les autres références mineures et je plonge directement au cœur du sujet. Imaginez-vous vraiment que les enfants font leurs courses librement sur le marché de l'amitié ? Comme pour toutes leurs autres activités, ce sont leurs parents qui les guident et ceux-ci ont des arrière-pensées… surtout les parents des classes moyennes (je crois qu'il s'agit en l'occurrence des classes moyennes moyennes qui se situent à égale distance des basses et des élevées)… Je ne parle même pas des classes aisées qui choisissent certains pensionnats parce qu'ils sont sûrs que leurs enfants y feront le plein de relations prometteuses à défaut d'être éclairés.

Donc, nos parents sont à la manœuvre dès notre naissance. "Leur tâche est de sociabiliser l'enfant au contact des membres de la famille puis à l'extérieur de la maison, à la garderie, à la maternelle, etc." selon Patrick Estrade, psychologue et psychothérapeute. En développant le sens relationnel du petit, ils balisent son environnement amical. Plus généralement et quel que soit l'âge, en amour ou en amitié, l'autre est un miroir. Extraversion, timidité, humour, nous recherchons chez nos amis certains aspects de nous-mêmes. Pour Michel Erman, psycho-philosophe : "on choisit son cercle amical en fonction de sa personnalité parce que l'on doit retrouver un fond de semblable en l'autre". Du semblable mais aussi du différent… ce qui, à mon avis, brouille un peu la clarté de la démonstration. "L'amitié ne repose pas sur la morale, sur le bien ou sur le mal. Quelqu'un de très droit peut parfaitement être ami avec quelqu'un de moins fréquentable. Cela révèle une part enfouie et inconsciente de notre personnalité, un espace de liberté qu'on ne prend pas", complète Michel Erman. Nous cherchons aussi en l'autre une personne capable de combler et de répondre à nos attentes. Par exemple, explique Patrick Estrade : "selon mon caractère, je vais choisir quelqu'un de maternel si j'ai besoin d'une personne qui prenne soin de moi comme le ferait une nourrice". De plus, notre attitude envers nos amis sera fonction de la place que nous occupions dans notre fratrie. D'après le philosophe Michel Erman : "la relation qu'on entretient avec nos frères et sœurs construit des attentes et des réactions différentes dans l'amitié. Si l'on est l'aîné de la fratrie, on va se rapprocher de personnes qui ont besoin d'aide et que l'on va prendre sous notre aile, comme on le ferait avec les plus jeunes du clan familial". Enfin, tout comme le caractère, l'endroit où l'on se rencontre joue un rôle. Salle de sport, école d'art, lieu de travail, "les gens font connaissance dans des lieux où chacun a envie d'aller individuellement", constate Michel Erman. Patrick Estrade conclut : "quand vous mettez un enfant au monde, vous sympathisez avec des individus qui vivent les mêmes choses que vous et vous éloignez naturellement d'autres qui n'ont plus les mêmes préoccupations".

Sans doute… Mais il y a une autre façon d'aborder le problème que ces psychologues ont semble-t-il ignorée. Et là, je m'appuierai sur mon expérience personnelle. L'idée est la suivante : on ne choisit pas ses amis, ce sont vos amis qui vous choisissent… Je me souviens de mon enfance à Brest. Le milieu des marins, version militaire, y était assez fermé. Une sorte de vase clos comme sur un bateau ou sous une cloche (pas une cloche à fromage comme dans le carré des officiers mais celle qui sur le pont sonnait les quarts et aujourd'hui prévient les abordages). La proximité spatiale y jouait un rôle puisqu'il n'était pas rare de trouver une grande concentration d'officiers dans un même immeuble. Ce qui obligeait d'ailleurs la plupart à faire l'impasse sur les meubles, le loyer mangeant une grosse part de leur solde. Les appartements étaient presque vides, on s'asseyait sur des malles et j'imagine, en exagérant un peu (la distance atténue les souvenirs et laisse une grande latitude à l'imagination), que des enrouleurs de câble en bois ont pu servir de table… et tant qu'à faire, posés dessus, des poissons pêchés dans la rade par-dessus le bastingage des aviso-escorteurs.

C'était le fils d'un aristocrate, ils sont nombreux dans la Marine nationale. Mais son nom était tout à fait commun, du genre… “Coton” me vient tout de suite à l'esprit. Pourquoi ? Je n'en sais rien mais il se pourrait que ma mémoire ait conservé des sons de cette époque comme la phonothèque de l'INA, juste au cas où. La particule y apportait la touche de préciosité nécessaire, “de Coton”… mais, pour les besoins de l'histoire, ça aurait pu être aussi bien “du Vent” ou “de l'Air” ou “du Balai”, en supposant que “du” équivaut à “de” sur l'échelle des marqueurs de noblesse.

Je ne connais pas les règles de composition des patronymes dans ce milieu. Si on considère celui-ci, par exemple : de La Tour du Pin (qu'une journaliste de BFMTV arbore apparemment sans complexe, Pascale …), l'ordre semble avoir son importance. Supposons qu'on inverse : Du Pin de La Tour. Avec “du” on perd le “de” car même si “du” est la contraction de “de le” devant une consonne ou un “h” aspiré, on ne peut pas le rétablir à l'usage exclusif de Pascale de Le Pin de La Tour afin qu'elle puisse continuer à s'ancrer sereinement dans son passé.

Ma mère annonçait : “Mon chéri (à la réflexion, je ne suis pas sûr que “Mon chéri” faisait partie de son répertoire mais, sans remords, j'en fais aujourd'hui une mère idéale et j'aurais tort de m'en priver, car je ne vois pas ce qui, en la peignant telle qu'elle était, changerait quoi que ce soit à ma situation présente), c'est X. de Coton (en fait, ce doit être plutôt “Cotton”, car il y a bien un Thomas-Jacques de Cotton, officier de marine, 1766-1841, peut-être un esclavagiste anglo-normand des Antilles… traduction de “coton” en anglais). Il est là exprès pour toi.” Devant mon peu de réaction, elle venait me chercher dans ma chambre et essayait de me convaincre que les règles de politesse voulaient que je manifeste une gratitude minimale, celle d'avoir éveillé chez un autre mammifère une amorce de sympathie envers ma personne problématique.

Son père était sous les ordres du mien et je soupçonne son géniteur, malgré mon manque évident de coopération, d'avoir ardemment poussé son fils dans mes pattes. J'ai supporté un temps ce Cotton en parvenant à dissimuler ma ouate (il se pourrait que l'introduction de ce personnage dans le récit n’ait eu pour seule finalité que de placer ce jeu de mots à l'insu de mon plein gré… et de renforcer la tonalité anglaise, par la même occasion) d'en finir au plus vite avec lui.

C'est depuis ce temps-là que je ne pratique l'amitié qu’à temps partiel et à durée déterminée.

 

Écrit en novembre de l'an 2023 

depuis le fin fond d'un EHPAD 

complètement à l'Ouest

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