Journal d'un pangolin en vacances 4

Flics ou voyous ? À votre avis, pour le modeste pangolin que je suis, qu'est-ce qui est le plus rassurant : ces jeunes gens encapuchonnés, masqués, agités et criards ou ces flics qui essaient de contenir leurs débordements ?

À les entendre, seuls les jeunes "racisés" (qui ne sont pas de la "couleur" dominante, à ce que j'ai compris), seraient victimes d'injustice. Les gens ordinaires dont on brûle la voiture, qu'on vole, qu'on menace parce qu'ils ne supportent plus les incivilités ou les trafics à leur porte ne subissent, eux, que la colère et la frustration légitimes des premiers. 

Mais le temps n'est pas à la pondération, le temps est aux émeutes… je veux dire aux hommages : à George Floyd, un Afro-Américain, tué par un policier le 25 mai dernier à Minneapolis, à Adama Traoré, un Français noir de 24 ans décédé en 2016 après une interpellation. Leur point commun, ils ne sont pas blancs.

C'est drôle, je n'en avais jamais pris conscience avant... mais grâce à Virginie Despentes, je sais désormais que je suis blanc. Les pangolins noirs, je ne les voyais pas jusqu'à présent. Je veux dire que je n'avais pas remarqué notre différence. Un peu comme ces Juifs pendant l'Occupation, qui n'avaient jamais pratiqué, avaient tous les signes distinctifs du bon Français comme un Dreyfus, et qui se voyaient soudain ramenés à leur assignation biblique. 

Grâce à Virginie Despentes je sais désormais que je suis blanc. Dans sa nouvelle tribune Lettre adressée à mes amis blancs qui ne voient pas où est le problème, elle souligne que le privilège d'être blanc, c'est avant tout "le choix d'y penser ou pas. Je ne peux pas oublier que je suis une femme. Mais je peux oublier que je suis blanche. Ça, c'est être blanche. Y penser, ou ne pas y penser, selon l'humeur. En France, nous ne sommes pas racistes, mais je ne connais pas une seule personne noire ou arabe qui ait ce choix."

Donc je suis raciste, c'est Virginie qui le dit, de même que les gendarmes sont coupables de l'assassinat d'Adama Traoré avant tout procès. C'est simple, le monde est scindé : il y a les damnés d'un côté et les oppresseurs de l'autre… ah, j'allais oublier les traîtres, comme ce CRS noir que les manifestants traitaient de "Vendu !", ou la syndicaliste policière Linda Kebbab que le militant Taha Bouhafs a baptisé "Arabe de service !" sur Twitter. Quand ils sont charitables, les racisés-décoloniaux-indigènes-de-la-République (ils aiment les étiquettes) se contentent de les appeler « Bounty » : noirs à l'extérieur, blancs à l'intérieur (ils aiment les sucreries). Pour eux, l'objectif n'est pas de tout faire pour qu'il y ait plus de ministres, de policiers, de médecins ou de professeurs noirs. L'objectif est qu'ils n'oublient pas qu'ils sont noirs même quand les Blancs auront oublié qu'ils le sont.