Horoscope : l'effet Barnum

Vous connaissez l'effet Barnum ? C'est le mécanisme psychologique qui fait que vous vous reconnaissez dans les horoscopes. Vous vous dites soudain : "Mais c'est tout à fait moi ! Comment a-t-il su ? D'un autre côté, cela ne m'étonne qu'à moitié. Je sais, au plus profond de moi, que je suis le représentant le plus abouti de l'humanité, que parler de l'Homme en général (qui inclut la Femme du Général), revient à parler de moi. Plus besoin de faire des sondages… (ici, je m'adresse à Jérôme Fourquet)… posez-moi les questions qui vous taraudent, vous aurez les réponses que vous attendiez depuis toujours… et à moindre frais !"

Bien sûr, l'autorité de l'horoscopologue peut jouer aussi. Je crois me souvenir d'une de ces pythies qui prétendait confesser le demi-dieu, alors vivant, des socialistes, Mitterrand… Son commerce, qui n'avait apparemment rien de sexuel selon les sources officielles qui nous abreuvent et nous font tout oublier tel un Léthé, a aidé ce Timonier d'eau douce à mener la France là où elle rêvait de sombrer… à savoir, dans la torpeur éthylique des lendemains qui déchantent. Moi j'étais prêt, pour sauver la France, à me sacrifier et qu'elle me guide de sa main de velours et de sa bouche d'argent vers l'acmé de mon développement organique (je parle bien sûr de la pythie et non de la France car je n'ai pas encore atteint ce niveau d'abstraction qui fait prendre un symbole pour une poupée gonflante). Hélas, il aurait fallu que je paie très cher, non pas de ma personne, mais de mon portefeuille, autre attribut qui m'est précieux mais dont l'enflure est inversement proportionnelle à mon désir d'épanouissement.

Ah, j'oubliais la dernière condition pour que l'effet Barnum soit garanti : il faut que les traits psychologiques qui vous font de l'œil, soient majoritairement positifs.

Je est un autre pour parler en petit n…. ce qui traduit en français courant donne : je ne suis pas comme ça. Je ne me reconnais que dans les horoscopes qui me traitent comme une merde ! Et ils ont souvent raison… J'ai une vie de merde, il ne m'arrive que des merdes, ma femme est une … Et bien, croyez-le ou pas, ça me réconforte ! C'est rassurant de savoir que sa vie se déroule conformément à ce qu'on a cessé d'attendre.

Je m'égare… En fait, je voulais parler de mon fils qui est un parfait crétin. Je me suis dit que je pourrais peut-être utiliser l'effet Barnum pour améliorer ses compétences à l'école, surtout que ça va dans le sens de la pédagogie actuelle : pas de critiques que des encouragements ("Si tu continues comme ça, tu deviendras ministre ! - Chouette ! Je pourrais faire des sextapes, alors ?"). Je lui ai donc demandé de décrire une de ses journées types.

"Ben le matin, je mange une tartine de Nutella…

- Tu vois ! Tu es un fin gourmet. N'écoute pas ceux qui te disent que c'est de la daube ! Plein de Français en mangent même après l'adolescence et, comble de la perversion, parviennent même à l'orgasme à l'arrière d'un McDo.

- Après, je prends mon skateboard pour aller à l'école.

- C'est bien. Tu pourras continuer à le faire quand on te convoquera à l'Élysée pour te faire ministre. Ta planche à roulettes deviendra ta planche de salut. La politique c'est comme le cirque, il faut amuser le public et si tu sais faire des figures acrobatiques, tu plairas aux électeurs. Souviens-toi qu'un président a invité deux youtubeurs à casquettes pour qu'ils lui lancent des défis comme dans une émission d'Arthur. Quand on est ministre, il faut avoir le sens des priorités. Les sens interdits ne sont là que pour les faibles. 

- Après je dors en classe.

- Tous les grands intellectuels l'ont fait. C'est grâce à cette heureuse disposition qu'ils ont pu élaborer des histoires à dormir debout qu'on regroupe sous le nom de French Theory, ce qui indique qu'elles s'exportent, mais qui mériteraient plutôt d'être appelées Franches Pitreries s'il y avait encore, quelque part, un peu de raison.

- Je me réveille pour aller à la cantine. Puis je fais la sieste jusqu'à ce que le rév… la sonnerie m'invite à rejoindre le cocon familial où la larve que je suis poursuivra ses métamorphoses, passant de chrysalide à avorton.

- Mon fils ! ta lucidité me plaît. On ne naît pas Grand Homme, on le devient. Dans ton cas, la mue sera longue, l'issue incertaine mais si, par miracle, elle se produit, alors le tragique de la condition humaine ne sera plus qu'une vaste plaisanterie et ton pauvre père le cocu de la réussite."

Parents qui doutez, voilà comment, par des encouragements adaptés, vous pouvez faire de votre minable un géant. Pour vous, il est trop tard...